Tu ne seras jamais Une
Pourquoi t’en tenir rancune ?
Tu te moques de ceux qui voudraient
Dans une identité t’emprisonner
On ne doit que t’aimer
T’effeuiller, te goûter
Ton Sud sauvage et compliqué
Ne se laisse jamais mépriser
Rejetant celui qui, pauvre de lui
N’y voit que poubelles et ruelles noircies
Mais il s’ouvre avec gentillesse
A celui qui soupire d’allégresse
Les poumons emplis de parfums d’agrumes
Au pied de montagnes qui fument
Le cœur gorgé de lumière
Bercé par le chant de la mer
Les yeux écarquillés
Devant tant de beautés
Le cœur énamouré des antiques cités
Où résonnent les voix de poètes oubliés
Ton Nord élégant, affairé
Aime à se laisser courtiser
Au cœur de ses remparts crénelés
Dans les murs de palais raffinés
Sa fierté n’a d’égale que sa frénésie
Sa beauté se décline avec coquetterie
Dans les reflets de l’Adriatique
Dans la lueur dorée de ses portiques
Mais lorsque le soleil décline
Alors on imagine
A l’ombre des cyprès
Près des murs désertés
La saveur d’une vie
La douceur de l’oubli
Capri,
Avec toi
je n’en ai jamais fini
Ile joueuse et capricieuse
En tes flancs la mer danse, heureuse
Se moquant bien de tous les vices
Joyau précieux, caillou factice ?
Qui es-tu vraiment ?
Chacun façonne son rêve en t’abordant
Sans jamais te comprendre pourtant
Le voile noir des femmes glisse sur l’horizon doré
Collines d’oliviers, bleu du ciel qui rougeoie
Le sang des citadelles est la pieuvre
Qui étrangle les rires cachés
Soldats imberbes et décharnés
La pierre étouffe sous vos armes
Vomit vos impossibles victoires
Le silence hurle sa résistance
Les visages s’envolent dans mes souvenirs
Sur les ailes des oiseaux d’espoir
Vos regards et sourires croisés
Vos chuchotements et soupirs amusés
Je les ai emportés
Je les ai tissés
Dans les replis de ma mémoire
Au cœur de mon cœur
Pour toujours délivrés.
Ceux qui t’ont ainsi nommée
Sur toi se sont mépris
Tu n’es ni Inde ni Chine
Tu es un rêve à part
A ne surtout pas conquérir
Tu déroules tes rêves de soie
Dans la langueur de tes soirées
Dans la douceur de tes sourires
Tu te laisses prudemment approcher
Sans totalement te révéler
Ta beauté danse et se joue
Dans les miroirs de tes rizières
Dans les chapelets de tes baies
Dans les silhouettes diaphanes
Des filles aux longs cheveux de fées
Comment ne pas aimer
Tes rivières parfumées
Comment ne pas s’amuser
De tes rues embouteillées
De tes marchés si colorés ?
Tes plaies ne sont pas refermées
Pourtant tu souris à celui
Qui, autrefois ennemi
Revient en touriste, en ami.
Peux-tu vraiment lui pardonner ?
Alors sans rien laisser paraître,
Tout en douceur, tout en fierté
Tu t’affirmes enfin, désormais
Comme un rêve réalisé
Un bel enfant rebaptisé Vietnam
Il faudrait tant de vies
Pour comprendre tes silences
Tant de volonté
Pour ignorer tes absences
Tant d’amour
Pour supporter ton insolence
Ton territoire déchiré
Hurle encore son absurdité
Je renonce à t’expliquer
Et je veux seulement t’aimer
Lorsque maintes fois tu m’irrites
Lors de toutes mes visites
Alors je te quitte
Mais tu me manques vite
Tu ne connais pas la sagesse
On t’accuse souvent de paresse
Mais quand tu es dans la détresse
Alors ton peuple entier se dresse
Je suis restée souvent clouée
Par ton incroyable âpreté
Bien souvent aussi j’ai pleuré
Sur tes musiques du passé
Qu’as-tu donc fait pour mériter
Tant de malheurs et de méfaits
Peut-être devais-tu payer
Le prix de ton immensité
Pourtant au fond de moi je sais
Qu’un jour tu seras libérée
De ceux qui n’ont su qu’exploiter
Tant de talent, tant de beauté
Il faudra tant de force
Pour venir à bout de l’histoire
Tant et tant d’écrits censurés
Pour dessiner enfin l’espoir
Tant de courage et d’unité
Pour enfin montrer ta fierté
Carélie
O Carélie
J’entends tes murmures de glace
Fléchis sous le poids de tes silences
Forêts infinies, vagues de mélancolie
Le chanteur aux yeux pervenche
A pleuré sur sa cithare
Le sauna déserté
Les fermes empoussiérée
Les Les babouchkas voûtées
Les feuilles dorées
Des bouleaux impatients
Les bras battants
Des conifères récalcitrants
O Carélie
Je me fonds dans les reflets
De tes souvenirs engloutis
Frêles datchas de bois gris
Prairies jouant la symphonie
D’un printemps infidèle
D’un automne insolent
Le soldat aux yeux d’ambre
A pleuré sur son fusil
Les frontières de sang
Les cris des enfants enfuis
La neige souillée de cruauté
Les pages de vies déchirées
L’avenir abandonné.